« Pourquoi je devrais partager ma chambre ? J'étais là le premier, d'abord. » Le petit garçon prit un air renfrogné et croisa les bras sur son petit torse. Une sœur, il n'en voulait pas. Si ça avait été un frère, pourquoi pas. Ils auraient pu jouer ensemble. Mais une sœur, dans les dessins animés, elles étaient toujours casse-pieds, elles embêtaient leur frère, étaient les chouchoutes des parents et en plus, elles mettaient des robes. Non franchement, il ne voulait pas d'une sœur. Alors encore moins partager sa chambre avec. Tant pis, ce soir, il irait percer le ventre arrondi de sa mère avec une aiguille, comme ça, elle perdra le bébé et il n'aura pas à partager sa chambre. « Tu sais mon grand, tu pourras protéger ta petite sœur. Tu seras un super frère et toutes les filles tomberont amoureuses de toi parce qu'elle sauront que tu peux les protéger. Comme un super-héros. » Son père tentait depuis une heure de le convaincre de partager sa chambre. Il convenait que l'arrivée d'un deuxième enfant dans la famille était dure pour un fils unique. Encore plus lorsqu'il fallait partager sa chambre. Si ça n'avait tenu qu'à Monsieur Daniels, ils auraient trouvé une nouvelle maison, celle-ci bien plus grande et avec une chambre de plus. Mais l'état de leur finance ne leur permettait pas. Alors Mike allait devoir faire avec. Bientôt, il verrait un berceau apparaître dans sa chambre, une armoire et des meubles pour y ranger les habits et les peluches de sa petite sœur. En attendant, il allait devoir se faire à l'idée qu'il ne serait plus seul. Ce qui n'était pas prêt à arriver. Le gamin était aussi têtu que sa mère. Si ils persistaient à lui coller une petite sœur, il allait faire bien plus que de dégonfler le ventre de sa mère avec une aiguille. Il fallait qu'il parle avec ses amis. Ils avaient toujours de bonnes idées pour mettre en rogne leurs parents. Son père abandonna au bout de la deuxième heure et laissa son fils sortir avec le fils du voisin. Son fils n'avait que cinq ans mais il avait déjà un caractère de cochon, ça promettait pour le futur.

« M'maaan ! Mon tutu ! » « Et bien quoi, ton tutu ? » La jeune adolescente descendit les escaliers en courant pour rejoindre sa mère dans la cuisine. Elle se planta devant elle, les poings sur les hanches. « Il a disparu ! » « Quoi ? Mais c'est impossible ! » La mère délaissa la vaisselle pour monter dans la chambre de sa fille, Lester sur ses talons. Ce soir, sa fille montait sur scène pour la première fois. C'était un événement important pour la famille. Cela faisait deux mois que la seule fille de la famille répétait que la ce jour serait le plus beau jour de sa vie. Alors tout devait être partait. Sauf que le détail du tutu était LE problème. Sans tutu, pas de représentation. Elle ne pouvait pas se pointer sur scène sans tutu. L'adolescente était au bord des larmes. Ce spectacle était le premier de sa vie, elle aurait aimé que tout se déroule correctement et voilà qu'elle perdait son tutu. Qu'est-ce qu'elle avait été stupide. « JACKSON ! Qu'est-ce que tu as fait du tutu de ta sœur ? » « T'sais, j'suis pas sourd maman. Le machin rose ? Il doit être dans la niche du chien. » « Jackson ! C'est trop te demander de respecter les rêves de ta sœur ? Viens Lester, on va s'occuper de ton tutu. » Typique du grand frère qui se fichait complètement des rêves de sa cadette. Ou au contraire, qui ne s'en fichait pas du tout. Il était même jaloux. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ce genre de crasses et ça ne se terminerait pas aujourd'hui. La mère et la fille descendirent les escaliers et allèrent chercher le tutu dans la niche. Il fallait s'y attendre, il était dans un été déplorable. A la vue de sa tenue sale, Lester ne put s'empêcher de pleurer. Il faudrait un miracle pour qu'il soit prêt pour ce soir. Le spectacle commençait dans deux heures. Madame Daniels, ayant toujours tout fait pour ses enfants, prit son courage à deux mains et commença à nettoyer le vêtement. Elle ne se laisserait pas abattre par quelques tâches tenaces de boue. Avec sa détermination, elle parvint à préparer le tutu cinq minutes avant de partir. Le sourire de soulagement de sa jeune fille lui assura qu'elle n'avait pas fait tout cela pour rien. Ce soir-là, l'adolescente donna toute sa hargne dans sa représentation. Elle n'avait pas le rôle principal mais elle se démarqua des autres par sa motivation. Lester continua la danse classique jusqu'à ses dix-huit ans puis elle arrêta. Cette discipline était un passe-temps pour elle mais pas une vocation. Si elle voulait suivre ses études de communication, elle devait arrêter les cours de danse afin de payer ses études.

« Lizzie ! Tu as une lettre de Devon Corporation. » Sa cousine apparut dans sa chambre, l'air d'une gamine excitée la veille de Noël. Lester avait le même comportement. Deux semaines avant, elle avait postulé à Devon Corporation comme attaché de presse. Elle attendait une réponse avec impatience. Le jour était enfin arrivé. Elle arracha la lettre des mains de sa cousine. Fébrilement, elle déchira l'enveloppe et déplia la lettre. Elle eut dû mal à comprendre son contenu. N'en pouvant plus, sa cousine lui piqua la lettre et la lut à haute voix. « EMBAUCHEE ! Lester ! OH MON DIEU ! Tu es embauchée ! » Elle envoya la lettre dans la pièce et prit la jeune femme dans ses bras. Lester poussa un cri de joie et se mit à sautiller sur place, entrainant sa cousine avec elle. Ce métier, elle en rêvait. Ce n'était pas son premier poste. Elle avait fait fille au pair en Australie pendant ses études, elle avait travaillé en tant que serveuse dans le Café du coin et maintenant, le travail qu'elle rêvait lui tendait les bras. Elle n'y avait pas cru. Et pourtant, la lettre le disait clairement. Elle était embauchée. Elle allait travailler à la Devon Corporation. Sa cousine, Ellie, était aussi heureuse qu'elle. Cela tombait bien ! Lester attendait d'avoir sa réponse pour s'installer à Cody avec sa cousine. Devon Corporation étant implanté près de cette petite ville. « Fais tes valises, ma chérie, on part à Cody ! » Lester attrapa la main de sa cousine et l'entraina dans sa chambre. Elle allait avoir besoin d'aide. Ça y était. Elle quittait la maison familiale. Elle entrait dans la vie active à vingt-quatre ans. Elle partait pour une nouvelle vie et elle était pressée qu'elle commence.

« Te voilà, je t'ai cherché partout. » Jake déposa un baiser dans les cheveux dorés de Lester. Elle décolla pas son regard de l'article qu'il lisait. Voyant son manque de réaction, il s'installa sur le tabouret en face d'elle. « Regarde ça, Jake, un couple s'est donné la mort par amour ! » Elle lui tendit le journal qu'il prit sans tarder. « C'est tellement gnangnan. » Malgré sa remarque, il parcourut l'article rapidement. Une histoire à la Roméo et Juliette. Se donner la mort pour vivre amoureux éternellement, était-ce vraiment envisageable ? En tout cas, pour Lester, qui n'était pas d'un romantisme fou, c'était un geste symbolique et elle trouvait cela romantique. D'accord, elle n'irait pas jusque là parce qu'elle ne voyait pas comment l'on pouvait être amoureux en étant mort. « Allez, viens Juliette, il faut qu'on y aille. » Ils abandonnèrent le journal du jour sur la table du Café et partirent main dans la main pour rejoindre la moto que s'était récemment acheté Jake. Cela faisait deux ans qu'ils étaient ensembles. Ils s'étaient rencontrés lors d'une soirée organisée par l'entreprise de Lester. Une soirée qui réunissait de nombreux invités de différentes organisations, tous venus pour la même chose : la présentation d'un nouveau produit ou alors pour les cadeaux de la marque qui étaient donnés à la fin. Ils avaient été présenté par leur patron respectif. Lester se rappelait encore de cette rencontre. Il lui arrivait régulièrement d'y repenser avec nostalgie. « Venez Lester, je vais vous présenter à nos collaborateurs. J'en ai vu un qui vous lançait des regards. » « Quoi ? Non, non, je ne crois pas que ça soit une bonne... » « Venez donc ! Vous êtes beaucoup moins timide quand vous parvenez à organiser un événement comme celui-ci. » Son patron, Myles Devon, la prit par le bras et l'entraina jusqu'à un homme plutôt charmant dans son costard-cravate. Il poussa Lester devant lui afin que les deux personnes se fassent face. « Mon chez Jake, je vous présente notre attachée de presse sans qui, on n'en serait pas là, Lester. » « Enchanté mademoiselle. » « Moi de même. Je vais vous laisser discuter, je... » « Ne dites pas de bêtise ! Faites connaissance, moi, je vous laisse. » Lester n'eut même pas le temps de répliquer qu'elle suivait déjà du regard son patron. Elle détestait quand ses proches ou ses collègues jouaient les entremetteurs. Elle était assez grande pour se débrouiller toute seule. Elle avait déjà eu de nombreuses relations, certaines plus sérieuses que d'autres mais le résultat était là. Et puis d'abord, sa vie était très bien comme elle était. Elle n'avait pas besoin d'un homme dans sa vie. Pas pour le moment en tout cas. Elle pivota vers Jake, lui offrant son plus grand sourire. Elle s'apprêtait à lui sortir une phrase l'excusant de l'abandonner mais il fut plus rapide qu'elle. « Je m'excuse mais je vais vous laisser. Cette rencontre était très appréciable et je ne doute pas que vous êtes intelligente et intéressante, cependant, elle est causée par mes amis qui veulent à tout prix me voir en couple. Donc je vais vous laisser ma carte pour faire bonne figure auprès d'eux et je vous souhaite une excellente soirée. » Lester en était restée bouche bée. C'était la première fois qu'on lui faisait ça. D'habitude, elle était la première à partir, débitant toujours le même discours d'excuse. Après cette soirée, ils s'étaient retrouvés par hasard à un deuxième événement. Cette fois-ci, ils décidèrent de rester ensemble afin d'éviter que leurs amis les présentent à d'autres inconnus. Voilà comment leur histoire avait commencé. Aujourd'hui, ils étaient amoureux et songeaient même à vivre ensemble. Jake et Lester s'en allèrent du Café avec ce sentiment de bien-être qui les enveloppaient toujours quand ils étaient les deux. Malgré la journée remplie qu'ils eurent, Lester n'oublia pas l'histoire d'un couple d'amoureux qui s'étaient donnés la mort rien que pour être ensemble pour toujours.